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Le premier, la caste militaro-bureaucratique qui a patrimonialisé le pays de sorte qu’elle peut affirmer que l'État c’est elle ! Hétéroclite, prédatrice et despotique, elle ne porte d’autres projets que celui de l’enrichissement de ses régents et de l’entretien de ses clientèles qui constituent un véritable Makhzen. Historiquement, elle n’est ni viable ni durable. C’est un accident de l’Histoire.
Les deux autres s’identifient dans les partisans d’un côté de l’État théocratique et d’un autre côté dans ceux de l’État moderne.
La régence ne se maintient que par la neutralisation subtile, mais déterminée, de la confrontation historique qui doit trancher l’irréductible antagonisme qui oppose les deux seuls projets de société en présence. Elle se fait socialisante à un moment et religieuse à un autre et peut, momentanément, si elle s’en sent la force, renvoyer les deux projets dos à dos. L’essentiel pour elle est de prolonger sa main mise sur l’État au prix de la persistance du blocage historique dans lequel elle maintient l’Algérie.
Le système néopatrimonial, qui a émergé dans le feu de la guerre d’indépendance, menace à terme l’Algérie d’effondrement. Il faut donc qu’il disparaisse au plus vite. Est-ce pour autant qu’il faut considérer qu’il existe une possibilité d’entente entre les projets antagoniques qu’il contrarie ? Qu’il faut, alors que leur antagonisme est essentiel, qu’islamistes et modernistes s’unissent pour disqualifier la régence ? D’aucuns pensent que l’alternative à la Régence serait fatalement un compromis entre les deux projets fondamentaux. Mais, un tel compromis serait-il autre chose que la reconduction de la régence elle-même. Une reconduction dans son indigence sociale, son fonctionnement primitif et ses confusions idéologiques, politiques et juridiques ?
Des trois protagonistes deux partagent des conceptions et des modes de fonctionnements compatibles. L’Habillage démocratique dont la Régence se pare est voué au sort de la peau de serpent. Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à voir le nombre de constitutions qu’elle a consommé depuis sa fondation. Infiniment plus que les véritables démocraties. Alors que l’autoritarisme dans son fonctionnement, la ségrégation dans ses perceptions, sont pour leurs parts caractérisées par la stabilité. La régence est donc « génétiquement » plus compatible avec la théocratie qu’elle ne pourra jamais l’être avec la Démocratie.
Il faut donc entendre que fondamentalement la régence peut composer avec l’islamisme alors que cela lui est impossible avec les modernistes. Les islamistes peuvent trouver place dans le système sans reniements ni renoncements. Mais les modernistes sont condamnés à opérer une double rupture qu’ils demeurent incapables de concevoir de concert. Les islamistes en intégrant le système l’imprègnent de leur identité, alors que les démocrates, dans la même entreprise, perdent la leur et s’abiment dans ce qui leur sera toujours un marais.
C’est l’incompréhension de tout cela qui fait notre drame actuel. Nous connoter dans le statut contre nature de témoins du mariage naturel entre la régence et l’islamisme. Accompagner les étapes de ce que notre existence même nous commande de combattre avec la dernière énergie.
Le projet ? La solution ? C’est rompre avec l’accident de l’histoire et venir à bout de la pesanteur de l’histoire. C’est une double rupture inévitablement, inéluctablement et inexorablement fatale.
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