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Le biopic de Mohamed Larbi Umhidi réalisé par le cinéaste Bachir Dearrais est censuré. L’idée et l’initiative de ce film appartiennent au seul réalisateur du projet. Alors qu’il avait pratiquement bouclé le montage financier pour la concrétisation de son œuvre,les ministères algériens s’y sont immiscés en invités imposés. Les “Moudjahidines”et la “Culture”, en patriotards confirmés, ont rué dans les brancards :comment se peut-il qu’un film sur un héros national se fasse avec de l’argent étranger ?! Derrais finit par céder aux chants des sirènes nationalistes.Tout en prenant des précautions juridiques qui garantissent sa liberté d’artiste,il consent à une part de financement institutionnel de son film. Mais, au point où nous en sommes rendus, il est clair que les départements de Mihoubi et deTayeb Zitouni ne se sont introduits dans ce projet que pour acquérir un droitde blocage payé avec l’argent des Algériens.
Dans la réalisation de son film consacré au survol de la vie et du parcours de Med Larbi Umhidi, Bachir Derrais s’est astreint au respect de la vérité historique telle qu’elle se reflète dans des travaux universitaires qui font autorité. Il s’est même affligé le devoir de recherches complémentaires pour apporter quelques lumières sur des zones restées encore dans la pénombre. Seulement, probablement par enthousiasme et excès de confiance, il a sous-estimé le caractère subversif que son travail revêt aux yeux des régents algériens.
Le film est censuré parce que trop fidèle aux faits historiques et totalement en dissonance avec le récit fondateur de la néo-régence d’Alger. Mihoubi recenserait 35 scènes qui n’ont pas son assentiment. C’est donc tout le film qui est à mettre au rebut !Par ce grossier mensonge, il tente d’éluder le différend et d'en masquer la teneur. Ce ne sont pas 35 scènes qui le gênent, mais c’est tout au plus trois séquences.Trois moments assassins pour les mythes fondateurs du récit officiel :Réhabilitation de Ramdane Abane dans le rôle et la place qui étaient les siens,rappel des véritables postures qui étaient celles des Ulémas à l’époque et recadrage du personnage de Ben Bella. C’en est trop pour les régents, mais ils ne peuvent le dire ainsi alors ils versent dans l’inflation des réserves.
Ce n’est pas la vérité historique qui intéresse les régents algérois ; seules l’intégrité et la préservation de leur récit fondateur les préoccupent. Voyez un exemple parlant : le Film sur le Colonel Lotfi, réalisé par M Rachedi en 2015. Entre la minute 81 et91, le réalisateur met en scène des séquences qui se déroulent sur le territoire de la Wilaya V et au Maroc. Il y fait figurer Saâd Dahleb, Abane Ramdane, Lotfi, Boussouf, Boumediene et Ben M’Hidi. Temporellement, nous sommes entre mars et mai 1957. Or, Si El Hakim a été assassiné dans la nuit du 4 mars1957. Comment Rachedi, “les moudjahidines” et la “culture” s’arrangent-ils pour lui faire rencontrer Si Lotfi au Maroc à une date ultérieure à son décès ?!Ces inexactitudes factuelles n’ont pas paré à la distribution du film et à sa diffusion. L’essentiel est peut-être dans la mise en scène de ce trio Boussouf-Boumediene-Ben M’Hidi où ce dernier apparait comme un spectre !
L’interdiction du film de BachirDerrais est donc une question politique de premier ordre. La déconstruction de son récit historique est l’une des conditions de rupture avec le régime patrimonial(makhzanien) algérien. Cette déconstruction passe par la réhabilitation du cours authentique de notre histoire. Le régime le sait mieux que nous tous.
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